de mb33 » 10 Fév 2009, 10:29
La suite (et fin) de notre petite histoire!
MONACO > MONACO
Nous voilà au départ de la dernière nuit. Ne surtout pas oublier que nous partons toutes les 30 secondes sous peine de rater notre heure de départ. Devant nous, n°232, l’imposante Mercedes 300 SE d’un sympathique équipage norvégien, qui nous a confié à Valence ramer dans le sinueux. A coup sûr, la teutonne va nous bouchonner dans le Col de l’Ablé. Il faut la passer avant !
A nouveau, la préparation consciencieuse de l’itinéraire va faire merveille : dès le « tourniquet » de l’Avenue de la Princesse Grace, il est derrière nous. Un peu plus loin, c’est autour d’un Coupé Lancia Beta d’hésiter, nous filons sans relâcher sur le Col de Castillon, plusieurs autos « en remorque », trop heureuses d’avoir un ouvreur.
J’ai une boule dans l’estomac, il ne s’agit pas de se rater si près du but. Guillaume et Valérie ont décroché, on leur signale de filler direct à Sospel, voilà le début de la ZR.
Michel s’arrête pour remettre du liquide de freins, 3 concurrents en profitent pour nous doubler dans la file, c’est pourtant interdit. Le dernier manque de peu de lui rouler sur les pieds ! Michel est hors de lui, passe un savon au pilote, remonte comme un fou dans l’auto. Je l’engueule presque pour qu’il se calme, on a pas besoin de ça pour attaquer l’Ablé.
D’après ce que nous savons, celui-ci est sans verglas, juste humide. Un peu de neige nous attend dans les derniers kilomètres du Turini. Trip à « 0 », cadenceur sur « on », c’est parti ! La route est étroite, très sinueuse, extrêmement bosselée, ma tablette saute de partout, je n’arrive même plus à lire le tripmaster ! Je m’applique à donner d’abord des indications de virages, non pas mes notes savamment préparées, si précise mais dont il est tellement facile de perdre le fil, mais plutôt les extraits de carte au 1/25000e adjacents : Michel conduit à vue, je ne lui indique que les virages importants : équerre ou épingle.
Nous apercevons le toit d’une Opel Commodore en contre-bas de la route : le rallye est fini pour lui…
Mes yeux arrivent enfin à accrocher la distance parcourue depuis le début de la ZR : malheur ! la remise à 0 a mal fonctionné, les kilomètres s’enclenchent mal, à cheval entre 2 chiffres !! Où en sommes-nous vraiment ? Nous savons que nous sommes en retard, mais de combien ? Je reprends dans le road-book l’indication de distance du départ de la ZR, compare avec le totaliseur, finit par retomber sur mes pattes : 400 mètres de retard, aïe !!
D’autant plus que se profile bientôt le Pas de l’Escous et ses 17 épingles serrées en montée !
« Regarde ! » C’est Michel qui vient de pointer son doigt vers l’encre noir du ciel (ou de la montagne, on en sait plus bien). Les épingles sont là, elles se dessinent furtivement par petites tranches mouvantes, à la lumière des phares de la demi-douzaine de concurrents qui se trouve devant nous. Spectacle fabuleux !!
Mais le temps n’est malheureusement pas à la contemplation : nous intégrons à notre tour le serpent lumineux. Les clous font glisser outrageusement la Celica, le pont grogne, Michel se bat avec la direction trop démultipliée, le petit 1600 simple arbre fait se qu’il peut et moi à côté je ne peux rien faire ! Rien faire d’autre qu’annoncer les virages et le retard qui s’accumule, plus d’un kilomètre à la Cabannette !
On fonce dans la nuit sur la route droite de Peïra-Cava : -700, -500, -200, -80, 0 !! Ouf, on a rattrapé notre retard ! On régule gentiment, en soufflant un peu. Pourtant, une Simca 1200S nous rattrape et nous double : s’il est en retard, où l’avons nous doublé ?
Le Col de Turini ! En fait, super frustrant de l’intérieur : on en voit rien, ça dure 5 secondes à peine, on plonge vers la Bollène-Vésubie. Toujours pas de glace, à peine quelques traces de neige…Michel repart à l’attaque, arrive à limiter les dégâts. Avec les clous, nous avons l’impression d’être sur du verglas, l’exact contraire de ce qu’il aurait fallu, un comble !
Nous rejoignons la 1200S qui se traîne un peu dans la descente et finit par nous bouchonner. Mais que fait-il donc ? Il semble ne pas jouer la régul, mais rouler à sa main…
Nous le repassons, on fonce vers la vallée, La Toy glisse de plus en plus, Michel a l’impression qu’un pneu est dégonflé. C’est la catastrophe, on perd beaucoup de temps en glissade et notre assistance ne pouvait pas techniquement être des 2 côtés de la montagne.
Fin de la ZR, enfin, je saute sur mon téléphone pour appeler Christophe Bérard (R5 Alpine Gr2), qui devait mettre gentiment à disposition son assistance à la Bollène en cas de besoin. Mais non, on a dû mal se comprendre, avec sa faconde du sud-est, il me fait savoir qu’elle est à Sospel, de l’autre côté !
On saute sur la première assistance rencontrée, ils acceptent très gentiment de nous faire la pression des pneus. Tout va bien, sûrement la surchauffe de la gomme. Un peu de liquide de freins, on remercie 10 fois et ça repart, la ZR suivante est à 2 km à peine ! Et subitement, le clac-clac du tripmaster s’arrête ! IL EST EN PANNE !!!
Je le remets à 0, titille un peu les connexions, rien ! Peut-être la sonde de roue ? Heureusement, la sonde de câble de compteur est toujours sur l’auto, tout comme sa connexion rapide, il suffit d’intervertir pour l’utiliser. Au moment où je vais débrancher, le trip repart ! Miracle ou surchauffe de la sonde près du disque ? Je ne touche plus à rien, l’entrée de la ZR est déjà là, évidemment, aucune voiture en attente pour se poser 2 minutes, on repart immédiatement.
Loda-Lucéram ! On focalise toujours sur le Turini ; pourtant, c’est bien cette ZR-là qui m’inquiétait le plus, encore qu’une partie du tracé initialement prévu (le Col de l’Ablé…) ait finalement été basculée sur la ZR du Turini. Et j’ai eu raison : étroite, très rythmée, sans aucune pause ni aucun repère ou changement de rythme contrairement à sa célèbre voisine.
Michel fait se qu’il peut pour emmener la Toy, j’essaie de lui donner au mieux les indications de virage mais ce n’est pas facile, tout se ressemble.
C’est long, c’est physique, on est à la ramasse, la Celica souffre, enfin on attaque la descente vers Lucéram. Fin de ZR, on a tout juste quelques minutes d’avance pour faire l’assistance à Sospel. Pas le temps de souffler, on file sur l’Escarène, on manque de rater la route du Col de Braus. Encore des virages des épingles, on repart à l’assaut de la montagne.
Le Col de Braus enfin, les premiers n° sont déjà au départ de la ZR15. Redescente par le Col St Jean, on croise les concurrents qui montent pour la 2e boucle, c’est magnifique mais parfois dangereux, certains se croyant seuls sur la route.
Encore des épingles, à droite à gauche…Le temps des liaisons tranquilles en fond de vallée est révolu, il faut ici se battre même entre les ZR. Tout ce kilométrage parcouru les jours précédents n’était qu’une agréable promenade dominicale : le vrai MCH, c’est maintenant !
La vallée enfin, j’appelle Guillaume, lui demande de préparer les contacts et de se placer bien en évidence pour nous signaler notre emplacement. Il ne comprend pas notre demande (« mais c’est facile, on est juste après le CH »), ne réalise pas que ce que nous venons de vivre nous a vidé et que l’on est plus trop en état de réfléchir.
L’assistance de Christophe est bien là cette fois. A peine immobilisée sous sa tente, la Celica est déjà sur cric, je n’ai même pas eu le temps d’en descendre !
Michel a les jambes qui tremblent, je fais le tour de l’auto les bras ballants, l’œil hagard, on est sonné. Il est une heure du matin, tout autour de nous, Sospel est le cœur de la Nuit du Turini : le village a été investi par les assistances: des groupes électrogènes, des projos, des autos parfois blessées qui lèvent la patte, des cliquetis métalliques, des mécanos qui s’apostrophent…P…ain ! c’est CA le Monte-Carlo et c’est vachement bon : on en touche plus du doigt le mythe, on est DEDANS !
Pointage au CH à 0, c’est reparti pour la 2e boucle par le Col de Castillon. Evidemment, la Mercedes est à nouveau devant nous, mais elle semble avoir des problèmes mécaniques, elle est lente, puis s’arrête sur le bas-côté : dommage pour les norvégiens, si près du but !
ZR15, à nouveau le Turini. Bien que fatigué, on est déjà plus détendu, car on SAIT. On sait ce qui nous attend, on sait que les pneus sont les bons, que l’on commence à voir le bout du rallye.
Evidemment, on est pas assez rapide dans l’Ablé, mais on a gagné 30% de décalage part rapport au tour précédent. Beaucoup moins de retard à la Cabanette, on régule avant Peïra-Cava, on en vient même à échanger quelques mots autres que les informations nécessaires au rallye. La plupart des spectateurs sont partis, seuls restent les fidèles parmi les fidèles, le vrai amateur au cœur de la nuit isolé dans une épingle, dont la présence nous est révélée par son flash photo. Il a tout mon respect…
La Bollène, on refait juste les niveaux, ça va bien bien mieux, on est presque détendus. Une lampe frontale est là, posée sur le muret, un mécanicien a dû l’oublier. Je l’attrape en me disant sans trop espérer que peut être je pourrais lui rendre à Monaco. Un klaxon dans la pénombre à gauche : c’était en fait le signal de positionnement d’une assistance allemande que je n’avais pas vue ! Oups, désolé les amis !
On attaque la dernière ZR, c’est dur mais les pneus contacts font merveille. L’impression cette fois d’être seuls au monde…On finit pourtant par rattraper une auto. De loin, je reconnais instantanément sa silhouette : il s’agit d’une Fulvia Coupé, conduite par l’un de nos fameux italiens ! Michel se fait un plaisir de l’avaler d’un coup d’accélérateur, entre 2 courbes : alors, on fait les kékés en liaison, mais lorsqu’il s’agit vraiment de dompter une auto, on fait moins les malins !
Les lumières de Lucéram en dessous de nous. Encore 3 épingles, 2 épingles, 1, panneau de fin de ZR. Ca y est c’est fini ? Oh que non !!
Le Monte-Carlo Historique, c’est comme un CD musical : il y a un morceau caché à la fin. En l’occurrence, on aurait pu redescendre tranquillement vers Nice pour attraper l’autoroute et rejoindre par les grands axes le Port de Monaco. Mais non, trop simple, trop facile !
L’assistance est là, je lui fait signe de nous suivre, nous n’avons que quelques minutes d’avance, une fois de plus pour avoir bien étudié le parcours, je sais ce qui nous attend. Je supprime la petite pause prévue, Michel est resté concentré, il faut en profiter !
Descente par les gorges du Paillon, puis à Peillon, remontée difficile toute en épingles vers Peille (vous suivez ?). Le rythme est lent, on perd plus de temps qu’on en gagne. J’anticipe au mieux les carrefours, la Kadett GTE devant nous file tout droit dans le village, nous tournons quasi en aveugle à droite, le panneau de direction est masqué par la végétation.
Un peu plus long pourtant, nous nous engageons dans une ruelle : demi-tour rapide, puis encore des épingles, toujours des épingles ! A nouveau, nous tombons sur la R12 Gordini qui cette fois est immobilisée sur un muret à gauche.
Enfin la route redescend, la vue est magnifique sur St Jean-Cap Ferrat. On arrive à gagner quelques minutes, les lumières de la ville viennent vers nous, voilà La Turbie, puis Cap d’Ail et la route côtière.
Quelques kilomètres encore en ville, on y est presque ! Sur un rond-point, Michel a failli s’engager sur la mauvaise route, je hurle et il prend in-extremis la bonne avenue. Le tunnel, la sculpture à la gloire de Fangio, le Port, le podium de l’ACM. La Celica s’immobilise devant les commissaires, je leur tends pour la dernière fois mon carnet de bord, ils nous applaudissent, je tape sur le toit de la Toy’. C’est fait, elle l’a fait, on l’a fait !!
Nous rangeons notre auto en quinconce parmi les autres, l’impression de rentrer dans un décor mille fois vu en photos. Mais non, les autos multicolores, les lumières qui s’y reflètent, l’alignement des arbres le long du Boulevard Albert 1er, le plongeoir de la piscine, tous ces petits détails que j’adore traquer dans les photos d’époque sont vrais, nous sommes DANS le décor, nous SOMMES le décor.
Guillaume et Valérie nous rejoignent, Champagne, la Celica a droit elle aussi à sa part, nous l’embrassons…on est sur le Port...
JF500 nous rejoint, nous félicite. Notre objectif est atteint, nous avons ralié l’arrivée dans les 100 premiers.
Tout le monde est fatigué, pourtant je fais durer le plaisir : je suis tellement attaché aux « lieux de mémoire » du sport auto, c’est presque irréel de se trouver là, à mon tour…
Voilà, c'est tout pour le moment. Je dois récupérer d'autres photos bientôt.
En attedant, une seule phrase
MA TOYOTA EST FANTASTIQUE
Les personnes qui ont des certitudes ne sont certaines que d'une seule chose: Ils se coucheront ce soir aussi cons qu'ils se sont levés ce matin